Le foyer


                                     

Une nouvelle fois, elle n’est allée nulle part.
La  poignée de son cartable serrée dans le poing droit, l’emploi du temps plié dans la main gauche, elle a monté des escaliers, longé des couloirs, descendu des escaliers, remonté des escaliers, tourné à gauche puis marché, puis tourné à droite.
Elle s’est arrêtée plusieurs fois, posant le cartable en équilibre sur le sol entre ses mollets et a ouvert l’emploi du temps pour vérifier encore une fois le numéro de la salle.
Depuis le début du mois d’octobre, elle arrive à l’université chaque jour une heure avant le début des cours pour se donner largement le temps de se perdre.
Et aussi, elle l’espère encore, celui de se retrouver.
Depuis le début du mois d’octobre, elle n’a réussi à assister qu’à deux cours.
Par une sorte d’heureux hasard, elle s’était retrouvée face au bon numéro donc à la bonne porte et elle n’avait plus alors eu qu’à pousser et entrer.
L’effet d’étrangeté de ce quasi miracle avait cependant entravé ses capacités d’attention et elle avait passé le cours à tenter  d’élaborer des stratégies pour réussir à revenir en cette même place la semaine suivante.
Mais la semaine suivante, ça n’avait pas marché.
Chaque jour, les étudiants passent à ses côtés, seuls, groupés, à deux et semblent tous savoir vers où ils se dirigent.
Leur aisance la sidère, comment et surtout où la trouvent-ils ?
Comment font-ils pour se retrouver ?
Est-ce le fait de savoir où ils sont qui les rend si détendus, si confiants, chez eux, en quelque sorte, chez eux ?
Pour sembler prise dans le mouvement de ceux qui savent où ils vont et comment s’y rendre, c’est ce qu’elle fait, elle fait comme si elle savait vers où elle se dirige.
La tête haute assez, l’air le plus dégagé possible, calme en apparence même si ses organes vibrent tous sous les effets des tensions diverses qui la parcourent de part en part et semblent lui ouvrir le chemin, éparpillés sur le sol vétuste des couloirs.
Elle se sent condamnée aux couloirs.
Enfermée dehors alors que tout ce qui l’amène ici devrait se trouver dedans.
Elle a même préparé pour se justifier, des réponses qu’elle ressasse en marchant, au cas où quelqu’un brusquement s’intéresserait à elle et lui poserait des questions sur sa présence, sur ses projets, sur ses études.
Elle tentera de citer quelques-uns des cours inscrits sur son emploi du temps.
Auxquels elle n’a jamais pu assister.
Mais il est des choses qu’elle ne dira jamais.
Qu’elle est restée hier et le jour précédent et le jour précédent le jour précédent plus de quatre heures d’affilée assise dans le foyer de la faculté de lettres.
Que c’est le seul lieu dont elle trouve l’accès facilement.
Entrée, escalier, rez-de-chaussée, porte à gauche.
Qu’elle cherche à comprendre ce qu’est vraiment la littérature mais qu’elle ne peut pas comprendre comment les couloirs et leurs salles y mènent.
C’est beaucoup trop confus.
Les quelques lieux stables, jalonnant cet égarement quotidien, le foyer, la chambre, le réfectoire, qui lui restent en mémoire, emplissent à peu de choses près tout ce qu’elle sait de son existence depuis qu’elle a quitté le domicile de ses parents pour venir étudier dans cette ville universitaire.
Ce sont les seuls éléments crédibles qu’elle pourrait relater ou plus simplement se remémorer si elle devait témoigner de sa vie.
Car entre ces lieux-là, identifiables, s’embrouille tout le reste et le reste, ce n’est pas facile de se l’avouer mais c’est tout.
De jour en jour, malgré tous ses efforts, elle se perd partout.
Elle a même l’impression déroutante d’être plus égarée maintenant qu’au moment de son arrivée.
Les tous premiers jours, elle y croyait encore tellement, portée par son enthousiasme, qu’elle avait pris un peu à la légère ces premiers pas vers nulle part.
Maintenant, c’est autre chose, elle sait qu’elle est perdue.
Qu’elle est constamment perdue.
C’est ça qui  complique l’accès à tout le reste.
Le bâtiment de la faculté de lettres n’est pourtant qu’un cube.
Un peu allongé avec trois entrées, une à sa gauche une au centre et une dernière sur son extrémité droite.
Il y a plusieurs étages.
Trois.
Voilà, c’est tout ce qu’elle sait.
Une fois une des portes franchies, et elle a tenté de pénétrer dans ces lieux par les trois, elle ne reconnait plus rien.
Rien de connu.
C'est-à-dire, l’espace devient immédiatement incompréhensible.
Elle prend chaque jour du temps pour se rassembler, pour se frayer un chemin à travers les chiffres et les angles.
C’est un maquis.
En béton, des affiches, des informations partout sur les murs.
Chaque jour, elle lit attentivement sa fiche d’emploi du temps, le numéro de la salle.
356 et 216 et 104 et d’autres.
Et elle part.
Bien sûr, elle doit l’admettre, les échecs répétés pour atteindre enfin les lieux où ceci, qu’elle convoite depuis si longtemps, se passe, pondèrent un peu sa vigueur.
Elle ne se sent pas encore complètement perdante, elle se sent de plus en plus perdue.
Elle continue de chercher jour après jour à pénétrer là où elle trouvera enfin ce qu’elle vient chercher et dont elle se pensait si avide.
Mais au fur et à mesure que le temps passe,  cet espace avec lequel tant d’autres semblent  ne faire qu’un ne lui semble pas devenir plus accessible.
Plutôt moins, d’ailleurs.
Elle monte les escaliers qui doivent finir par la mener quelque part.
Elle arrive quelque part, ouvre les portes battantes.
Ça devrait être là.
Elle regarde les numéros sur les portes.
Mais c’est ainsi, ça ne marche jamais.
Est-ce à cause de l’escalier ?
Est-ce à cause des couloirs ?
Des étages ?
Est–ce le bâtiment lui-même ?
C’est ici mais aussi tout autour que tout est noué, tout l’espace, la ville dehors, l’espace illimité.
Avec ses classeurs où rien n’est écrit, elle a toujours un livre dans son cartable.
Un livre pour elle seule.
Qui ne pourra jamais être, évidemment, un outil de travail.
Mais c’est un livre tout de même, qu’elle emmène et qu’elle ouvre lorsqu’elle se replie, une fois le découragement suffisamment massif pour la pousser irrémédiablement à abandonner la porte 212, qui aurait dû être là, à gauche, en face du panneau d’affichage, et qui n’y est jamais.
Un livre qu’elle ouvre lorsqu’elle a rejoint le seul lieu où elle peut s’installer en sachant où elle se trouve.
Abandonnant toutes les autres portes, les autres salles, tout ce qu’elle n’a pu atteindre et franchir pour trouver, derrière le mystère de leur localisation, l’agora sacrée où parlent ceux qui savent et d’où écrivent ceux qui écrivent.
Elle a toujours un livre, un roman, un essai, quelque chose qui la rapproche de ce qu’elle recherche et qu’elle emmène de sa chambre avec elle chaque jour comme son radar.
Un livre comme ce qui reste peut-être possible, pour oublier qu’elle ne sait pas encore comment ni pourquoi elle se perd.
Pour pouvoir toucher de la littérature malgré tout, même sans les cours.
Puisque les cours la manquent.
Lorsque c’est encore une fois trop tard, qu’après avoir descendu, monté une fois de plus, lorsque sans elle les portes se sont toutes refermées et qu’ils sont tous en train de noter  les mots de l’esprit qu’elle ne sait pas où trouver, elle descend.
C’est le seul trajet sûr qui s’impose et qui la mène enfin là où elle se retrouve.
Vers le seul lieu où elle se reconnaisse.
Elle descend et ouvre les portes du foyer.
Puis dans le bruit clinquant des flippers, l’odeur du café et de la nonchalance, elle s’assoit.
Chaque fois, cet endroit et ce mouvement l’apaisent.
Il y a une perte, un abandon encore mais ici, au centre de cette pièce aux murs décrépis, au moins elle sait qu’elle est là où elle est.
Il y a plusieurs mois, lorsqu’elle était encore une lycéenne tendue à l’approche du saut final, lorsque tout était encore simple, les chemins semblaient tous mener quelque part.
En fait, elle prenait toujours les mêmes, depuis des années et qu’il puisse en exister d’autres,  ceci non plus elle ne le savait pas.
L’espace autour d’elle lui était tellement familier qu’elle n’avait jamais même envisagé qu’il était codé et que ce qui le balisait puissent être des signes qui lui était adressés.
Qu’elle devait savoir traduire.
Elle allait et venait.
Ou plutôt, elle sortait et rentrait.
Liée par un cordon lisse et imperceptible qui la ramenait chaque jour aux mêmes lieux au centimètre près.
Son temps, tout pareil, mesuré à la minute près.
Elle enchaînait les unes aux autres les activités en appuyant avec vigueur sur les pédales de sa bicyclette puis rangeait sa bicyclette dans le garage et c’était fait.
L’exploration du monde s’était limitée au cercle dont la maison était le centre.
Mais elle l’ignorait.
Elle ignorait qu’il existe bien d’autres choses que des rayons à suivre pour se trouver partout comme chez soi.
Dans ce bâtiment inconnu, dans cette ville inconnue, elle n’a aucune autre figure qui puisse la conduire hors de cette circonférence où elle continue de tourner sans en avoir la moindre conscience.
Le reste, ailleurs, dehors, tout ce qui la cerne mais s’ouvre sur un infiniment vaste incompréhensible, est illisible.
Elle doit pourtant s’y aventurer, elle doit malgré leur morphologie impénétrable s’approcher de tous ces lieux, y entrer parfois.
Elle est là depuis deux heures, assise sur une chaise, entourée par les rires er les glapissements des étudiants qui semblent se déplacer portés par l’air autour d’eux.
Elle a encore échoué.
Salle 340.
Ou une autre.
Il arrive toujours un moment où ce qui l’emporte sur l’important c’est : qu’importe.
Un moment où la tension du désir qui la soutient s’affaisse.
Elle a atteint le premier étage, a marché d’une extrémité du couloir à l’autre en observant attentivement les numéros des salles de chaque côté du corridor, elle est revenue sur ses pas,  n’a pas pu trouver la salle 340 alors elle a décidé de descendre parce que cette salle se trouve peut-être à l’étage inférieur, s’est alors aperçue qu’elle est revenue au rez-de-chaussée.
Alors, porte après porte, le long du couloir du rez-de-chaussée, elle a cherché encore la salle 340, civilisation et littérature médiévale, porte après porte, pensant que peut-être, aujourd’hui, on ne sait jamais, tout en étant certaine qu’elle ne la trouverait pas, puis elle est remontée à l’étage, a marché d’une extrémité à l’autre du couloir, a cherché la salle 340 à nouveau,  porte après porte.
Puis elle est encore une fois descendue.
Et là, elle a abandonné.
Presque vingt-cinq minutes de marche et quelques arrêts l’ont ramenée face à la réalité sans fard du seul lieu où elle est certaine de pouvoir entrer.
À cette heure, le foyer est presque vide.
Elle y est entrée avec une sensation de soulagement.
Toujours, sentant que dans cette distribution des capacités, cet accès libre au mouvement qui s’oriente sans peine, elle est dans l’incapacité de pouvoir demander à quelqu’un, ici ou ailleurs, de lui expliquer enfin comment ça marche.
Comment il arrive à marcher.
Elle sent dans cette errance que rien ne vient cadrer, que rien ne vient stopper pour l’arrimer à ce qui semble pourtant des bornes d’ancrage partagées par tous, que quelque chose défaille, qu’elle défaille.
Ou plutôt que quelque chose n’a pas été construit, des liens, des points de jonction alors que les autres qui vont et viennent, semblent pouvoir s’installer là où est leur place parce qu’ils connaissent des correspondances qui les y conduisent et qu’elle ignore.
Dont elle ignore jusqu’à la nature même.
Ce sont ses deux seules certitudes, la porte du foyer et l’impossibilité de demander de l’aide pour comprendre comment trouver les autres portes.
Le reste est presqu’effacé sous sa propre impuissance à apprécier à sa juste ampleur la désorganisation qui la condamne depuis quelques mois à l’égarement, attachée au piquet de cette salle commune qui reste son seul repère.
Tous les autres autour d’elle semblent naviguer avec confiance dans ce milieu qui lui reste étranger, où elle se sent condamnée à demeurer pour toujours une étrangère.
Mais elle ignore que cette épreuve de l’exil ne provient pas de ce bâtiment mais d’elle-même, ça, elle l’ignore.
Elle ignore comment mesurer son degré d’étrangeté.
Elle sait par contre que ce qui, en même temps qu’à cette géographie, la relierait à ses congénères lui manque également.
Impossible d’identifier ça, une sensation évanescente mais qui ne la quitte pas et la met sourdement en danger qu’elle se dirige vers la droite, la gauche, qu’elle monte ou qu’elle descende.
Sauf sur cette chaise, assise et sage, immobile dans un lieu immobile.
Lisant, à plat sur la surface, enfin détendue et en sécurité.
Elle sait que la civilisation et la littérature médiévales se dérobent chaque jour un peu plus sous l’insécurité de ses pas.
Elle sait que les bruits et les mouvements incessants du foyer la rendent peu à peu sourde à ce qui semble pourtant lui être le plus cher.
Mais elle a été lâchée seule dans le Mystère, sachant qu’il lui était impossible de simplement demander, à quiconque, ici, à quiconque là-bas, comment ça marche, ou ce qu’elle devrait s’appliquer à comprendre et à faire pour que ça marche mieux, il faudrait qu’elle puisse dire, voilà qu’elle ne comprend pas parce que rien autour d’elle ne lui désigne la direction à prendre, route, chemin, voie, rien ne s’ouvre des traces qu’elle devrait identifier et suivre.
Des voies, c’est ce qui les tire, comme des aimants vers d’autres places.
Ils ne partagent pas le même sol.
Celui sur lequel elle marche était un sol insensé.
Elle passe et repasse devant des blancs.
Les corridors se succèdent.
Les rues se succèdent.
Mais il leur manque un centre.
Partant d’un seul centre, elle aurait certainement pu s’acheminer n’importe où.
Mais dans cette ville, dans l’université, les centres sont multiples, mouvants.
Elle cherche à tracer des cercles autour de ces centaines de points mais rien ne les relie les uns aux autres.
Elle se condamne, par la force de ces choses fuyantes et rebelles à sa maîtrise, à ne se déplacer que sur des pistes connues, le chemin goudronné qui mène à la résidence universitaire, les globes qui le jalonnent jour et nuit, l’accès au restaurant qui est à mi-chemin.
Un chemin le long duquel elle s’est attachée et auquel se résument ses explorations, toujours les mêmes, bâtiment, égarement, foyer du bâtiment, retour au restaurant universitaire, retour à la chambre.
Ailleurs, les  haut, bas, droite, gauche, tout est dispersé dans une sorte d’explosion aberrante, sans que quoi que ce soit ait été rassemblé jamais avant cette explosion, à sa connaissance, à sa connaissance du moins.
Une explosion sans début ni retour au calme des ordonnancements.
Sans ligne qui puisse joindre les morceaux épars, sans qu’elle puisse se joindre en quelque point que ce soit à ces morceaux épars.
Lorsqu’elle quitte ce chemin de halage, elle s’épuise à s’orienter sans succès dans des espaces disséminés et évidemment hostiles.
Elle sent de jour en jour disparaître dans le vide qui bée devant elle son temps, son énergie, tout son potentiel de travail.
L’idée du mot lui-même, la littérature, qu’elle retenait comme une bouée, accrochée, accrochée pourtant encore de toutes ses forces,  aurait pu la faire éclater en sanglots.
Elle le voit s’estomper, se fondre dans l’horizon bouché des seuls quatre murs couverts de graffitis et d’affiches où elle se retrouve chaque jour.
Elle sent pourtant confusément parfois la présence derrière elle d’un système.
Des enchaînements, des logiques, qui restent dans son dos lettre morte.
Lettre morte, elle plie la nuque sous le poids de sa désillusion.
Elle pensait tant, avant, que tout ce monde bruissant des phrases et de leur tournure, que ce monde inépuisable des mots lui était acquis, familier, elle pensait pouvoir si facilement y être à demeure que la nécessité de devoir matérialiser dans un couloir, dans un numéro de porte leur accès ne l’avait pas même effleuré.
Elle pensait qu’à la mesure de son plaisir et de ses dispositions à les absorber, allait s’ouvrir en grand, sans essai, sans effort, que son accès était déjà prêt, vers l’entrebâillement de leurs arches et leurs clefs.
C’était pour elle une évidence, une sorte de principe depuis si longtemps, son appartenance.
Dans ses passages à vide, ses passages à blanc dans les corridors mutiques, elle a aussi perdu sa raison.
Sa raison d’être, le sérieux et l’attention qu’elle se devait de donner à leur étude.
Tous ses héros, ses pages dévorées la nuit sous le secret des couvertures.
L’étranger.
Les mains sales.
Allant et venant, emprisonnés indéfiniment dans les invisibles  forteresses du campus.
Fermée la porte et l’évidence de cette terre de grâce où s’enfoncer.
Fermée par déficit, par perte dans de grands espaces sans tenue pour la retenir.
Parfois pourtant, elle essaie, elle essaie, tout son corps se tend, sur le qui-vive, comme enfin prêt, et quand elle s’est assez perdue, que tous ont rejoint leurs bancs solides, il lui arrive de rester dans le couloir vide, debout devant une porte fermée, au hasard, écoutant les voix graves résonner dans des amphithéâtres qui restent inaccessibles.
Car aucun mot ne parvient à lui ouvrir les arcanes de ce pour quoi elle aurait donné, il y a quelques temps, son temps, tout son travail, tout, tout son temps si elle ne l’avait pas perdu comme ça, à chercher à se tenir en équilibre dans un espace sans marques.
La vivisection de la langue.
Chateaubriand.
Céline.
Colette.
Elle tente çà et là de capter un signe, une indication qui la ramèneraient à l’intérieur du périmètre sacré de leurs intimités.
Derrière les portes fermées, elle sait qu’elle aurait nagé elle aussi, appliquée, tenace, peu apte à suivre aisément les courants peut-être mais besogneuse.
Mais elle est entrain de baisser les bras, ne transpire plus que sur la feuille froissée de son emploi du temps, où les gouttes tombent  juste entre les numéros de salles et les intitulés des unités pédagogiques.
L’unité, voilà ce qui lui aurait permis de s’orienter.
À divaguer ainsi d’une erreur à l’autre, à se perdre dans ces couloirs pour lesquels maintenant elle commence à éprouver un véritable dégoût, elle se rend compte qu’elle a éparpillé certaines parties d’elle-même, que vraisemblablement cette dislocation la précède.
Il y avait eu une salle 108 où avaient lieu les travaux dirigés de langue vivante.
Une salle 213 où elle aurait dû découvrir les trésors de la sémiotique.
Mais elle est restée quelque part entre les deux où ne s’enseigne rien.
Si l’illusion de sa cohésion ne la porte plus,  elle continue, même tendue à craquer pour se conserver, même presque nauséeuse, malgré tout, de chercher.
Bien sûr lorsqu’elle reçoit un appel en provenance de sa famille, elle dit que tout va bien, qu’elle a beaucoup de travail.
Là non plus elle ne peut rien demander, la laisse qui l’a tenue à tourner et tourner autour d’un même piquet fiché dans la supervision sans faille de tout son temps et de tout son espace pend maintenant à ses pieds.
Et ni sa famille,  ni elle-même n’ont pris garde au changement.
Elle se retrouve autre et inconnue, il ne lui sert plus à rien de tirer sur son lien pour en retrouver l’origine puisqu’il est coupé net.
Toutes ces années, elles les a passées à se laisser les yeux fermés hisser au-dessus des plans et des cartes sur lesquels d’autres s’orientaient pour elle.
Les autres, qui vous tiennent éloigné du sol, à qui vous devez rendre des comptes et abandonner vos empruntes.
Elle se contentait d’obéir aux ordres venus de la terre et  maintenant il n’y avait plus entre la terre et elle qu’un néant insaisissable où personne cette fois ne lui indiquerait où poser les pieds ou ne les poserait à sa place.
Se tenir à son sac ne suffisait pas.
Alors elle se tient à son livre.
Elle s’oublie dans quelques-unes des pages que d’autres, encore d’autres, ont écrit pour elle, levant la tête de temps à autre pour se confronter à ses pairs, hilares, studieux, semblant si légers et en même temps si tenaces à suivre la direction que prennent les courants.
La salle est sûre.
Ce qu’elle ne sait pas non plus c’est qu’à cette perte s’attache une peur, mauvaise, obtuse, qui la tient comme penchée vers l’avant à chaque heure de la journée.
Elle n’en sait que l’état de pesanteur et la fermeture.
Elle bafouille et s’immole dans un complet silence.
La distance à franchir pour accéder à ce qui semble vivant est incommensurable.
Elle a laissé là-bas, dans cette maison où gouverne sa famille, la fille hilare et active, la fille aux rêveries exquises, celle qui écrivait comme on dort.
Elle l’a laissée et rien n’est venu prendre sa place dans cette foule bruyante dont elle ne comprend pas la langue.
Rien n’est venu la guider pour la remettre à l’ordre des jours.
Elle ne se reconnait pas.
Elle ne s’y reconnait pas.
Alors elle lit et lit sans mesure à travers les mots qui l’ont abandonnée, cherchant à dévoiler sous les traces laissées par d’autres l’organisation immuable des choses.
Elle lit pour pouvoir aller ailleurs en se faisant accompagner.
Pour retrouver, dans les images abruptes de ceux qui ont mouillé de leur sueur les atlas qui dessinaient leurs territoires, un peu de sa main mise, de son ancien pouvoir à s’exiler sans s’oublier, quand elle prenait un cahier et que les signes s’y inscrivaient comme mus par une force de propulsion étonnante qu’elle considérait comme une évidence.
Expatriée, éjectée, elle lit entre les lignes de ceux qui ont su délimiter les contrées de leur perception et leur dessiner des bords à coup de métaphores et de verbes d’action.
Régulièrement, elle lève le front et regarde le temps passer sur l’horloge suspendue au mur derrière le bar.
Elle croise maintenant certains visages qu’elle commence à reconnaitre, qui lui adressent quelques signes auxquels elle répond.
Une familiarité, un confort qui ne s’est reconstruit nulle part ailleurs, elle est chez elle dans le foyer de la faculté de lettres.
Comme chez elle.
Elle n’est chez elle que dans le foyer de la faculté de lettres.
C’est le seul morceau d’espace qui ait conservé intact encore les traits de son rêve d’avant.
Le seul endroit où elle puisse se déplacer en sachant à peu près où elle s’avance.
Dans les quantités de garçons et de filles qui vont et viennent, elle a noté la présence d’un étudiant qui, à chaque fois qu’elle le croise, lui sourit.
Elle lui rend ce sourire avec application.
Elle s’est surprise à le chercher des yeux en s’installant après sa dernière escapade vers nulle part, presque immunisée maintenant contre les suites un peu fébriles de cet échec quotidien.
Tournant lentement la tête vers ce qui la rassure et le croiser, ce type qui lui sourit, la rassure.
Elle s’est aussi surprise à se sentir déçue lorsqu’il n’était pas à sa place, près du flipper, elle imagine, elle imagine, l’attendant.
Lorsqu’il a traversé la salle presque déserte à cette heure de la journée et s’est approché d’elle avec suffisamment de résolution pour qu’elle ne doute pas une seconde qu’il allait lui parler, elle a senti sa chaise s’effondrer, le livre se refermer sur ses doigts, sa langue s’assécher brutalement et l’envie de fuir, de fuir de cette place forte qui la tenait pourtant si bien calée.
Mais c’était trop tard, elle allait devoir répondre, se libérer de cette main serrée autour de sa gorge en ne lui donnant à voir qu’une jeune fille normale.
Voilà où elle en était, après toutes ces heures à constater qu’elle n’était nulle part, à commencer à craindre de ne plus pouvoir jamais intégrer la souplesse et l’évidence des échanges normaux, des promenades normales, des activités normales.
Condamnée, elle le craignait de plus en plus, à passer son existence entière sur cette chaise dans le foyer de la faculté de lettres, lisant pour s’apaiser tous les brillantissimes auxquels elle rendait un culte silencieux, le cerveau en feu, paralysée pourtant dans toutes ses tentatives pour extraire d’elle-même quelque étincelle que ce soit.
Il s’est donc avancé et s’est présenté d’une façon très sérieuse.
Surtout qu’il ne découvre pas à quel point elle se sentait soudain affreusement anxieuse.
Elle a essayé de lui répondre en se demandant, entre deux battements de tympans et la répression d’une espèce de hoquet si elle devait se lever, rester assise, se lever, rester assise, se lever, jusqu’à ce qu’elle lance son nom dans l’espace entre eux comme une bombe, de fabrication artisanale, mal ficelée assez pour qu’il doive lui proposer de le lui répéter parce qu’il n’avait pas entendu.
Vertige, souffrance insupportable, elle prononce à nouveau les quelques syllabes et se mord les lèvres pendant qu’il approche une chaise de la sienne en lui demandant la permission de s’installer à ses côtés.
Les mains moites, elle se reprend, reprend son souffle, son air, et puis soudain, comme par enchantement, poussée par son enchantement, saute au-dessus de la barrière derrière laquelle elle est enfermée depuis quelques mois et commence lentement à parler, à lui parler.
Les mots sortent avec une sorte d’avidité, prennent leur autonomie, traversent l’air vers lui comme si ils avaient été cloîtrés des mois, des années durant et ils l’avaient été, même si ce n’était pas le moment de songer à cet enfermement, ce mur de silence dans lequel elle errait depuis son arrivée.
Il semble intéressé, répond à ses questions, lui pose des questions à son tour, ils s’entourent, de petits fils qui se nouent, les uns après les autres entre eux.
Elle a la sensation de soudain pénétrer à nouveau en terrain connu, elle se retrouve là, assise à lui parler, elle rit, il rit, ils vérifient leurs intérêt communs et sa langue se libère, reprend la forme des messages qu’elle a manqué d’envoyer depuis si longtemps, elle ouvre à un léger vent ses passions, sa ténacité dans ses passions, ne lui découvre rien d’autre que ce qu’elle pourrait palper comme une sorte de fond de poche, sa poche, là où elle était rangée avant, lorsqu’elle était encore sûre d’elle, de ses envies et de ses prérogatives.
Elle oublie pendant quelques minutes le vague de ses décors, le vague de sa consistance même dans ce mouvement qui l’entoure où elle a coulé.
Elle ne peut pas aborder ça, ça n’a pas de sens, pas de sens pour lui et surtout pas pour elle.
Que lui dire sur quelque chose qui semble d’une telle évidence pour tous ?
Il n’a pas coulé lui, il connait, semble-t-il, le bord des choses.
Il est ici chez lui, partout ici, dans cette ville qui l’a vu naître, il est chez lui.
Puis il est reparti, la laissant assise, immobile, soumise à une avalanche d’incrédulité, une savoureuse incrédulité.
Celle des retrouvailles inattendues, des fêtes improvisées.
Elle s’est reconnue.
Elle a parlé comme si elle était encore chez elle, là-bas, ignorante de la profondeur sans fin du monde.
Puis elle est repartie elle aussi, vers les postes qu’elle occupait sans faillir, sa place au restaurant, sa chambre.
Mais celle qui s’était déliée ainsi avec lui,  elle l’a emmenée, attendant, qui sait, quand elle aurait bien récupéré toutes ses fonctions égarées dans le cosmos des études qu’elle ne pouvait pas faire, qu’il lui permette de regarder au loin par-dessus son épaule.
Attendant de cette rencontre quelque chose qui la sorte.
Lorsque quelques jours plus tard il est revenu, elle continuait de lire mais elle avait abandonné ses recherches matinales pour trouver la location des lieux saints.
Le foyer s’était transformé depuis leur rencontre en un point de contact.
Pas certain, non, mais possible.
Et elle s’était installée là, à cette jointure entre le no man’s land entourant cette place où elle se recroquevillait par force et ce qui pouvait, s’il revenait et s’il lui parlait à nouveau, lui permettre de s’ouvrir.
Accompagnée, par lui, qui sait, qui l’aiderait à sortir.
Le foyer avait perdu sa fonction de piste d’atterrissage forcé pour devenir le point de départ d’une possible échappée.
Elle n’avait plus besoin de devoir s’y retrouver maintenant, quelque chose avait pris la place, dans les bruits et les claquements de porte, les rires et la nonchalance, elle ne cherchait plus à oublier l’imprévisible des espaces, elle commençait à entrer sans le savoir dans l’imprévisible du temps.
Celui des autres.
Il avait soudain ramené à lui seul l’essentiel de ce qui pouvait la tenir occupée, anticiper sa venue lui fermait la vastitude.
Mais en échange elle lui laissait ce qui allait devenir son terre-plein, sa matière, elle lui donnait l’attente.
Les jours suivant, elle a trainé ici et là, plus très bien sûre que quelque chose s’était vraiment passé.
La lourdeur de ses temps de prospection vaine s’est faite encore plus sensible.
Même l’air est devenu aussi rare et dissipé dans le nombre de ses trajets quotidiens.
Elle est restée en suspens, la bouche peut-être un peu ouverte, ne sachant plus que faire d’elle-même ni  de tout ce temps.
La chaise du foyer a changé d’angle, son cou aussi, qui se redresse en lisant, qui ne lit plus, qui attend.
Les raisons de sa présence et sa volonté de se prendre en main, vaille que vaille malgré l’opposition flagrante des éléments ont cédé place à quelque chose de plus obnubilant mais de plus facile.
Elle a déménagé, est passée de quelque chose qu’elle attendait d’elle à quelque chose qu’elle attend de quelqu’un.
Puis au bout de quelques jours, soudain, il est revenu.
Elle a cherché à cacher que ça pouvait tout changer pour elle, qu’elle attendait et que grâce à sa venue, sa direction se déterminait ainsi soudain plus aisément.
Il lui a légèrement embrassé le front et lui a proposé de venir faire un tour avec lui.
Un tour.
Ils sont sortis du foyer.
Non, ils ne sont pas sortis, à ce moment a commencé quelque chose, qui devait devenir une rambarde indissociable de sa sécurité, elle l’a suivi, elle a commencé à le suivre.
Il marche à ses côtés, presque collé à elle mais c’est elle qui s’adosse à lui.
Il a certainement l’impression que tout est simple, qu’elle l’accompagne mais tout en elle est hérissé par-dessus son épaule vers l’étrange.
Il lui sert de brise-glace, il avance et bifurque, elle avance et bifurque, pouvant enfin dévisager tous ces bâtiments avec une certaine distance. Il lui offre de quoi occuper l’espace.
Il pense que comme lui elle sait où elle va.
Elle ne lui dit rien, rien encore de cette expérience qu’elle est en train de vivre à la fois seule et grâce à lui.
Il lui ouvre sans le savoir les brèches où elle peut enfin se faufiler, solidement attachée à lui par la crainte de se perdre si elle le perd.
Il est devenu ce tampon, cet intervalle plein qui lui manquait pour se reconnaître.
Il est la bonne place, il la met à la bonne place, sans qu’il n’en sache rien et elle, bien sûr, encore moins.
Elle discerne juste que la teneur des choses autour d’elle prend sa place.
Elle sent que cette déroute dans laquelle elle s’est trouvée ces derniers mois, cette incapacité à se situer dans un monde inconnu, laisse place à des sensations qu’elle retrouve.
Une légèreté, une sécurité qui lui permettent de s’en prendre aux éléments sans se sentir tomber en spirale dans leur absence de limites.
Il lui propose d’aller prendre un verre, elle accepte et la porte du bar s’ouvre sur une société instable, chaotique mais qu’elle pense devoir pénétrer à tout prix parce qu’il la lui présente comme une évidence.
Toute la journée se passe et la soirée et les journées qui se suivent et qui les emmènent ici et là, toujours ensemble, ne se quittant pas, ne se quittant plus, se réveillant ensemble pour s’endormir ensemble.
Elle a presque oublié.
Ce qui l’a amenée dans cette ville s’est effacé sous les pas qu’ils font tous deux le long de ses rues.
Elle n’y pense plus.
Elle n’a plus besoin de savoir que les salles du bâtiment de lettres ont des chiffres, un ordre, peu à peu, en allant de-ci de-là, installée derrière lui, elle abandonne sans se le dire l’idée même que c’est là-bas qu’elle aurait fait ses études, l’idée que rien d’autre n’avait, à part ces études, d’importance.
Tout a basculé.
Il a beaucoup à faire et elle le suit.
Elle ne peut pas même imaginer qu’elle pourrait se séparer de lui, s’en aller,  aller, suivre son chemin seule.
Elle n’a accès à aucun chemin seule.
Aucun, mais même si elle ne se le dit pas par crainte d’en trop déchiffrer sur son compte, le si étroit espace qui la sépare de lui à n’importe quel moment de leurs pérégrinations pourrait, s’il ne se confondait pas avec un attachement, sembler presque confiné.
Elle ne veut pas le voir, elle ne veut plus jamais sentir peser les éloignements sans contour et les gouffres sans relief des dislocations.
Elle a peur.
Encore, et ce garçon qui la promène ainsi nuit et jour l’empêche de le savoir.
Il lui tient tête et lui donne corps, c’est assez.
Elle se colle à lui et s’accroche à ses branches et la fermeté qu’il lui donne la ramène aux certitudes d’antan.
Elle navigue, elle navigue à ses côtés mais l’ancre est profondément fichée dans le fond vaseux de la peur des disjonctions.
Bien sûr elle l’aime, il l’aime, tous les signes de ce qu’elle imagine devoir être l’amour la libèrent des raisons plus discrètes de ce qu’elle a sacrifié, des raisons de ce sacrifice, raisons ineptes, inqualifiables, qui ne la lâchent pourtant pas, comme elle ne le lâche pas.
Elle est en train de s’échapper.
Elle se quitte peu à peu, ayant par ce tour de passe-passe échangé ses passions premières contre ceci, avec qui elle croit advenir quand elle ne fait que combler derrière elle les espaces béants de sa perdition.
Il est son pilote, prend les décisions à sa place, sait sans hésiter où il va.
Il lui permet de faire une économie conséquente.
Celle d’une marche dans la vacance auquel elle devrait donner des noms.
Elle a laissé sous les voûtes des lieux saints la part d’elle-même qu’elle aurait pu regarder dans les yeux et reconnaître.
Pas tout de suite, plus tard, les études sont longues, un chemin sinueux et exigeant mais où, même assise ainsi dans ce bar à ses côtés, elle sait qu’elle devait suivre. Parce que nulle part ailleurs, malgré le profond silence dans lequel elle a inhumé ce qui la tient, elle ne s’entendra mieux avec elle que dans cette confrontation avec les lignes, que dans l’enthousiasme intarissable de sa faim et des mots de cette faim qu’elle a perdus en le laissant la guider.
Le temps est toujours le plus fort, le plus long, le foyer lui aussi s’est vu déserté, une autre vie, une vie de couple a progressivement pris la place de ce qui n’en avait pas, appartement, amis, recherche de travail, sorties, tout loin de cet immeuble aux yeux clos pour elle maintenant.
Elle n’y pense pas, elle pense même que d’une certaine façon, elle a échappé à la révélation de ses limites. Plantées au bout du chemin, résultats médiocres, efforts vains, le rêve fondu sous la flamme des intelligences. Elle n’a pas vraiment idée de ce qu’aurait pu générer de désillusion ce qui se tramait à l’intérieur de ces salles, ni du sol particulier que cet enseignement lui aurait permis d’arpenter.
Par contre, elle sait qu’elle a aussi quitté des références, des outils, des méthodes.
Mais à ça, elle n’y pense pas. Elle n’y pense pas parce qu’elle ne sait pas à quel point si elle le savait tous ces matériaux maintenant hors d’atteinte semblerait lui aller comme un gant, ou non, un gant un peu serré, qu’on enfile en faisant travailler la peau tannée mais qui aurait pu envelopper sa main à la perfection.
Ça, elle n’y pense pas. Elle a effacé sous ses pas qui maintenant la conduisent sans encombre d’un lieu à l’autre de la ville tous les autres trajets, toutes les ruelles un peu sombres où elle aurait eu à apporter la lumière fuyante du travail.
Leurs noms, les noms des auteurs qui l’avaient fécondée restaient comme suspendus au-dessus d’elle mais elle ne se fraierait plus un chemin jusqu’en leur cœur.
Elle resterait une amateure alors qu’elle était prête à entrer dans une spécialité comme dans une vocation.
Le couple qu’ils formaient depuis quelques mois menait sa vie, leur promiscuité incessante l’épuisait aussi parfois, elle sentait que l’accrochage des premiers temps devenait plus lâche, que toutes les marques dont il avait balisé son chemin ne menaient nulle part maintenant qu’elle pouvait les repérer seule, qu’elle avait certainement besoin de lest, elle ne se le disait pas, c’était impossible d’évaluer la tension de l’attache qui la retenait à lui, elle pouvait lâcher et c’est ce qui se produisit.
Pas en refaisant la route à l’envers et en montant enfin l’escalier adéquat pour atteindre le deuxième étage où étaient toutes les salles commençant par deux. Reprenant comme à zéro mais pas complètement. Elle avait en le suivant, pris le temps de sa maturation au sein des codes mystérieux du monde.
Non, elle ne refit pas ce trajet, elle rencontra un autre homme, puis un autre qui comme les savoirs dispensés dans des salles de cours, l’amenèrent à aborder à chaque fois de nouveaux territoires.
Une vie, elle faisait sa vie.
Non, sa vie la faisait mais ça, elle ne le savait pas encore.



A Pierre 2003